Community management. L’expression est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Une marque, dit-on, ne peut s’en passer. Dans la plupart des cas, c’est sans doute vrai. À condition de ne pas oublier tout ce qui vient avant, et en premier lieu l’organisation de l’entreprise. Petit contre-exemple frappant.

Devis inventif

Depuis plusieurs années, je suis l’heureux possesseur d’une voiture de marque XXX. Pour éviter tout tracas à ce petit bout de toile, je ne dévoilerai pas plus d’indices sur cet fleuron de l’industrie automobile d’Outre-Rhin dont la marque commerciale provient du nom de la fille de son fondateur. Un jour, une panne somme toute bénigne – rupture de la courroie de l’alternateur – m’oblige à rentrer mon véhicule au garage pour le faire réparer. Bien que le devis soit assez élevé, je décide de procéder à la réparation. Quelques jours plus tard, mon garage me contacte en m’expliquant qu’ils ont détecté un risque de panne imminente qui empêche toute utilisation de ma voiture avant réparation. Le devis de départ, déjà salé, grimpe jusqu’à près de 4.000 euros. Interpelé par la somme, je décide de mener ma petite enquête avant de la faire réparer. Parmi les « amis de mes amis » (merci Linkedin et Facebook), un spécialiste indépendant de la marque en question se propose de parcourir avec moi le devis. Il y détecte quelques doubles facturations savamment dissimulées: une prestation est facturée 1,75 fois. La première fois sous le code de la prestation complète, la deuxième fois sous le code d’une sous-prestation, qui représente 3/4 du travail précédemment facturé. Par ailleurs, les travaux sont prévus pour une voiture dotée d’un changement de vitesse automatique, alors que la mienne est manuelle (les prestations sur les automatiques sont bien entendu plus chères). Enfin, la « réparation » prévoit une tâche totalement inutile qui déclenche d’ailleurs un commentaire ironique de l’expert. Nous nous rendons ensuite sur place pour examiner la voiture. Après avoir mis très mal à l’aise le responsable d’atelier en décortiquant son devis, mon expert m’assure que la voiture peut sans problème se déplacer encore quelques centaines de kilomètres. Ni une, ni deux, je la retire du garage et la fais réparer ailleurs pour un peu moins de la moitié du prix mentionné sur le devis d’origine. Et je me jure de ne plus jamais remettre les pieds chez ce concessionnaire indélicat.

Community manager impeccable…

Quelques jours plus tard, sortie d’un nouveau modèle de la marque, annoncée à grands fracas sur une page Facebook créée pour l’occasion. Passablement énervé par ma mésaventure et curieux en même temps de tester l’organisation interne de M…, je décide de poster un commentaire peu aimable indiquant que la nouvelle voiture est sans doute fort belle, mais que la beauté de la mariée ne doit pas aveugler son futur époux sur les escrocs qui sévissent dans la famille.
Moins d’une heure plus tard, le Community Manager chargé de la page réagit de manière impeccable: un petit message courtois et plein d’empathie m’invite à contacter le service clientèle, dont je reçois l’adresse mail, afin de leur faire part de mes griefs et de rechercher une solution. Une réaction professionnelle de CM chevronné. Le spécialiste du marketing et des média sociaux qui sommeille en moi décide alors que l’occasion est trop belle: un « case study » grandeur nature sur la réaction d’une marque prestigieuse à un commentaire négatif sur une de ses pages.

… mais service après-vente peu performant

Je prends donc ma plus belle plume pour écrire au service après-vente et leur exposer mon problème. La teneur de mon message est en gros la suivante:

Le garage XXX a essayé de surfacturer une série de prestations, j’en ai la preuve sous forme du témoignage d’un expert indépendant qui utilise le même logiciel de gestion, développé par votre entreprise pour l’ensemble de ses prestataires. Bien entendu, le garagiste indélicat nie toute malversation (même lorsque je lui mets le nez dessus). Trouvez-vous normal que l’on puisse ainsi entacher la réputation de votre marque en tentant d’arnaquer le client? Que comptez-vous faire pour remettre ce concessionnaire peu scrupuleux à sa place? 

Et c’est à ce moment précis que la belle image créée par le marketing sans faille et le community manager professionnel commence à se lézarder pour laisser apparaître une réalité nettement moins glamour. Tout commence par une réponse automatique digne des entreprises publiques les moins modernes. Le service après-vente accuse réception de mon mail et me promet de tout mettre en oeuvre pour me donner une réponse dans les …. dix jours ouvrables. Soit deux semaines, en comptant les weekends. Quel contraste avec l’immédiateté qui règne aujourd’hui sur les réseaux sociaux! Cela dit, je présume que l’entreprise mette ce temps à profit pour enquêter sur le cas que je lui soumets, et je décide de m’armer de patience.

Quatorze jours calendrier plus tard, la réponse me parvient. Je vous propose de la découvrir dans un prochain billet.